AID Association initiatives dionysiennes
Une urgence vu l’état de surpopulation pénitentaire

PROJET DE LOI PENITENTIAIRE

dimanche 27 juillet 2008 par JMT

Le projet de loi pénitentiaire présenté lundi en Conseil des ministres

AFP - dimanche 27 juillet 2008, 07h50

Le projet de loi pénitentiaire, un des grands chantiers de la garde des Sceaux Rachida Dati, arrive lundi sur la table du Conseil des ministres, suscitant à la fois beaucoup d’attente dans un contexte de surpopulation carcérale record et de critiques sur son manque d’ambition.

Engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, le texte vise à mettre la France en conformité avec la réglementation européenne sur les droits des détenus.

Une des mesures-phares est le développement des alternatives à l’incarcération pour les personnes en attente de jugement et les condamnés à de courtes peines.

Cela passe par une généralisation du bracelet électronique avec assignation à domicile, qui existe depuis 1997 : elle sera "ordonnée" quand les peines sont inférieures ou égales à 6 mois. Le temps passé sous bracelet sera désormais décompté de la durée de la peine en cas de condamnation. Les aménagements de peine (semi-liberté, travaux d’intérêt général...) seront étendus aux condamnés à 2 ans de prison, au lieu d’un an aujourd’hui.

Consulté pour avis, le Conseil d’Etat a retouché partiellement le projet, estimant que certaines disposition relevaient davantage du décret que de la loi et en scindant certains articles afin de mieux en détailler le contenu.

Le texte de 28 pages présenté lundi comporte désormais 57 articles, au lieu des 48 initiaux.

Ce projet, salué comme une "belle loi" par le vice-président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé, est très attendu au moment où les prisons françaises battent record sur record de surpopulation.

On a atteint au 1er juillet le pic historique de 64.250 détenus pour 50.806 places dans les quelque 200 prisons françaises, soit un taux de surpopulation supérieur à 126%.

Dans les cellules surpeuplées, il n’est pas rare de trouver des détenus obligés de dormir sur des matelas à même le sol. Ils sont 1.700 dans ce cas selon le principal syndicat de surveillants, l’Ufap, 900 d’après la direction de l’administration pénitentiaire.

Les syndicats se plaignent d’un climat estival tendu, en l’absence de grâce du 14 juillet, pour la deuxième année consécutive, un principe auquel Nicolas Sarkozy s’est dit opposé dès son arrivée à l’Elysée.

Christophe Marquès, numéro un de FO-pénitentiaire, dit craindre "pour la sécurité des personnels et des détenus". Des surveillants ont manifesté mardi devant la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne) où l’un des 800 détenus, pour 600 places, a écopé mercredi de 3 ans de prison ferme pour l’agression de deux gardiens, le 5 juillet. "Il n’y a pas une journée où il ne se passe quelque chose", selon Geneviève Raoult, de l’Unsa-justice, organisation à laquelle est affiliée l’Ufap.

Les syndicats soutiennent le développement des alternatives à l’incarcération pour désemplir les prisons, mais sont très dubitatifs sur sa mise en oeuvre. "Il n’y a pas aujourd’hui les moyens, en personnel notamment, de rendre ces mesures effectives rapidement", affirme Céline Verzeletti, de la CGT-pénitentiaire.

Les organisations syndicales reprochent surtout un manque d’ambition au projet qui, aux yeux de Jean-François Forget, de l’Ufap, se résume à "un toilettage" de mesures déjà existantes et n’est pas à la hauteur de la situation d’urgence dans les prisons.

Le texte devrait débuter son parcours parlementaire en octobre au Sénat.

Record historique de 64.250 détenus dans les prisons en France

REUTERS - mardi 22 juillet 2008, 12h44

© REUTERS2008

Le nombre de personnes dans les prisons françaises a atteint un nouveau record historique de 64.250 détenus au 1er juillet pour environ 50.000 places, en hausse de 0,6% par rapport au mois précédent, annonce l’administration pénitentiaire dans un communiqué.

Ce chiffre est susceptible d’alimenter les inquiétudes des syndicats de l’administration pénitentiaire et des organisations de défense des droits de l’homme, qui ont déclaré de longue date que la situation risquait de déboucher sur une crise grave.

Sur les 64.250 personnes détenues dans les 193 établissements pénitentiaires français, 17.495 sont en attente de jugement et 50.656 condamnées.

Les mineurs détenus sont 793 au lieu de 825 au 1er juillet 2007, souligne l’administration pénitentiaire.

Elle insiste aussi sur le fait que 6.236 personnes condamnées, soit 12,3% du total, bénéficient d’un aménagement de peine, telle qu’une semi-liberté, un chiffre en progression de 25% depuis 2007 et qui a presque doublé en trois ans.

Parmi ces aménagements, 1.901 personnes bénéficient d’une semi-liberté (prison la nuit et travail à l’extérieur le jour), 894 d’un placement à l’extérieur et 3.441 d’un placement sous bracelet électronique.

Ces aménagements de peine sont favorisés par l’actuelle ministre de la Justice Rachida Dati, son ministère y voyant un moyen pour remplacer la "soupape" de décompression que constituaient jusqu’en 2007 les grâces collectives présidentielles du 14 juillet, abandonnées par Nicolas Sarkozy.

Les syndicats pénitentiaires se sont mis en grève le 12 juin pour alerter l’opinion sur la situation et demander des moyens supplémentaires après des mesures de l’administration allongeant les horaires des parloirs pour les familles, augmentant la durée des promenades et développant les activités sportives.

Ils soulignent avec les organisations de défense des droits de l’homme que les prisonniers sont désormais à quatre par cellule dans certaines maisons d’arrêt, ce qui amènent les directions à faire dormir des détenus au sol sur des matelas.

Un projet de loi visant à désengorger les prisons, qui doit être débattu à l’automne au Parlement, est jugé insuffisant par l’opposition et les acteurs du monde pénitentiaire.

Les syndicats jugent ce texte paradoxal dans la mesure ù d’autres lois notamment celles sur les "peines-plancher" pour les récidivistes continuent de faire augmenter mécaniquement la population carcérale.

Le projet, qui devrait être voté à l’automne, encadre fortement, en le soumettant à des conditions, le droit à une cellule individuelle, réaffirmé dans une loi en 2000 mais jamais mis en oeuvre faute de places. Cette mise en oeuvre désormais conditionnelle est en outre différée de cinq ans.

Thierry Lévêque

ACP N°96-97 - ARPENTER le champ pénal.

Paris, le 1er juillet 2008

L’Hebdo sur les questions pénales et criminologiques - 6ème année

Directeur de la publication : Pierre V. Tournier

Numéro spécial sur l’avant-projet de loi pénitentiaire

1- Les comptes du Lundi. Les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) sont sous-employés.

Dans une tribune de Libération (23/6/2008), des responsables du SNPES-FSU, de la Ligue des droits de l’homme et du Syndicat de la magistrature demandent l’abolition des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Cette prise de position n’est d’ailleurs pas sans ambiguïté car les auteurs ne demandent pas pour autant l’abolition de l’incarcération en dessous de 18 ans.

On notera, dans ce texte, un certain nombre d’affirmations erronées.

On peut lire ceci : « L’objectif des EPM est bien d’augmenter l’incarcération » et plus loin « La création de nouvelles prisons encourage l’incarcération ». On aurait pu le craindre, mais ce n’est pas ce que l’on observe depuis l’ouverture des EPM. Alors autant le reconnaître : au 1er juillet 2007, il y avait 825 mineurs sous écrou (dont 7,3 % dans les EPM) ; il y en a au 1er juin 2008, 759 (dont 24 % dans les EPM). Ce qui correspond à une baisse de 8 % des effectifs. Sur la même période, le nombre de majeurs sous écrou a, lui, augmenté de 5 %.

Il est aussi écrit que « Les quatre premiers EPM sont aujourd’hui complets ». Ce n’est pas exact. Il y a, au 1er juin 2008, 6 EPM en service soit un total de 260 places opérationnelles ; 182 mineurs seulement y sont écroués. Meyzieu : 21 détenus pour 60 places, Lavaur : 32 détenus pour 40 places, Quiévrechain : 45 détenus pour 40 places, Marseille : 43 détenus pour 50 places, Orvault : 17 détenus pour 40 places, Porcheville : 24 détenus pour 30 places. Ainsi à l’exception de Quiévrechain, tous les EMP sont sous-employés.

Ces données ont été diffusées la semaine dernière par les soins d’ACP ! Preuve, s’il en était besoin, que nous ne sommes pas toujours lus attentivement que ce soit du coté du pouvoir exécutif (voir déclarations de Mme Dati sur l’inflation carcérale, la surpopulation ou l’aménagement des peines) ou du coté des diverses oppositions au pouvoir. Cela ne doit pas nous décourager dans notre tâche d’informer les uns et les autres. PVT

- 2. - L’AVANT-PROJET DE LOI PÉNITENTIAIRE

A l’aune des règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe

Par Pierre V. Tournier

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Ce texte a été présenté lors de la réunion de presse du 1er juillet organisée par le Club DES Maintenant en Europe et la fondation progressiste Terra Nova qui a réuni une quarantaine de journalistes et représentants des organisations suivantes :

Action des chrétiens contre la torture (ACAT),

Association nationale des juges de l’application des peines (ANJAP),

Association nationale des visiteurs de prison (ANVP),

Commission « Droit, sécurité et justice » des Verts,

Fédération des associations réflexion action prison et justice (FARAPEJ),

Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI),

Groupe multiprofessionnel des prisons (GMP),

Syndicat national de l’ensemble des personnels pénitentiaires (SNEPAP-FSU)

et le Collectif national « Trop c’est Trop », pour le respect du numerus clausus en prison ».

Etait excusée : la commission nationale « Justice » du Parti Communiste Français.

Dans mon ouvrage Loi pénitentiaire : contexte et enjeux (1), publié chez l’Harmattan, en janvier 2008, j’insistais sur quelques questions prioritaires qui devraient être traitées dans la loi pénitentiaire, si on voulait respecter l’objectif annoncé par le Président de la République et la Garde des Sceaux :

traduire, dans notre droit positif, les règles pénitentiaires européennes », règles qui ont été adoptées par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 11 janvier 2006 (2) :

Contrôle extérieur des prisons.

Lutte contre l’oisiveté en détention.

Participation des personnes détenues à l’organisation de la détention.

Respect du numerus clausus.

Lutte contre l’inflation carcérale par un aménagement systématique des peines.

Refondation de la libération conditionnelle.

Dans quelles mesures ces priorités ont-elles été prises en compte dans l’avant-projet de loi présenté lors du Comité d’orientation restreint (COR) le 12 juin dernier ?

Pour mémoire, précisons que l’avant-projet de loi pénitentiaire comprend 6 chapitres :

1. « Service public pénitentiaire »,

2. « Droits fondamentaux des détenus,

3. Personnes pénitentiaires et réserve civile pénitentiaire,

4. Régimes de détention,

5. Alternatives à la détention provisoire et aménagements des peines,

6. Dispositions diverses.

Mais je ne ferai pas, ici, une lecture linéaire de ce texte, me laissant conduire par ma propre vision des priorités.

Observation, évaluation, contrôle

L’article 4 de l’avant-projet de loi rappelle que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – qui vient d’être nommé par application de la loi du 30 octobre 2007 (3) - contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de libertés confiées à l’administration pénitentiaire.

Par ailleurs, l’article 44 étend aux députés au Parlement européen élus en France l’application de l’article 719 du code de procédure pénale qui donne aux députés et sénateurs la possibilité de visiter, à tous moments, les locaux de garde à vue, les centres de rétention, les zones d’attente et les établissements pénitentiaires.

De plus, il est créé un conseil d’évaluation auprès de chaque établissement pénitentiaire, afin d’évaluer les conditions de fonctionnement de l’établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.

La composition et les modalités de fonctionnement seront définies par décret. Le projet de loi indique seulement que ce conseil comprendra des représentants des collectivités territoriales. On notera, d’ailleurs, que nombres de questions essentielles sur ce point comme sur bien d’autres sont renvoyés à la rédaction d’un décret.

Une commission de suivi des politiques pénitentiaires est créée afin de mettre en œuvre les actions conduites à l’égard des personnes placées sous main de justice.

Comme pour le conseil d’évaluation, la composition et les modalités de fonctionnement de cette mission seront définies par décret ; elle comprendra des représentants des collectivités territoriales. A priori, la mission devrait porter aussi bien sur le milieu fermé que sur le milieu ouvert.

Cette commission aura-t-elle vocation à remplacer le Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire qui ne s’est pas réuni depuis 9 ans ? (4)

Enfin, l’article 45. est rédigé ainsi : « Il est créé auprès du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, un Observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive chargé de collecter et d’analyser les données statistiques relatives à l’exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive.

L’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont tenus de lui communiquer tous éléments utiles pour l‘exercice de sa mission, dans le respect des dispositions concernant la protection des données à caractère personnel.

Chaque année, cet observatoire adresse au Premier ministre et au Parlement un rapport d’activité qui est rendu public. Un décret en Conseil d’Etat détermine la composition, les missions et les conditions de fonctionnement de cet observatoire. »

Est-ce une réponse à la lettre ouverte du 30 septembre 2005 adressée, à mon initiative à M. Pascal Clément, signée par près de 200 personnes physiques et morales et demandant la création d‘un observatoire de la récidive ?

Est-ce une réponse à ma note du 14 octobre 2007 « Vers un observatoire national des mesures et sanctions pénales ? » (5). Cette note avait été présentée devant la Mission d’information sur l’exécution des décisions de justice pénale de l’Assemblée nationale présidée par M. Jean-Luc Warsmann. J’écrivais alors : « N’est-il pas temps de mettre en place, auprès du Secrétariat général du Ministère de la Justice, un « Observatoire national des mesures et sanctions pénales » (ONMSP), structure légère qui serait l’ensemble complémentaire, naturel, de l’Observatoire national de la délinquance (OND) mis en place, en novembre 2003, au sein du Ministère de l’Intérieur ? Les deux missions « détention provisoire » et « récidive » déjà existantes y seraient naturellement intégrées. […] »

Depuis lors, la mission « Bauer » - à laquelle je participe en tant que conseiller scientifique - sur la formation et la recherche sur les questions stratégiques de défense et de sécurité (« sécurité globale » intégrant les questions pénales et criminologiques) a remis son rapport au président de la République qui en a approuvé les orientations (6).

Dans les restructurations en cours, l’ancien OND qui dépendait du Ministère de l’Intérieur sera rattaché au Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS) lui-même rattaché au Premier Ministre. Aussi le champ de compétence de l’OND sera-t-il élargi à l’ensemble du processus pénal. Alain Bauer, président de la mission m’a d’ailleurs chargé de rédiger, d’ici fin juillet, un texte de propositions concernant ce que je propose d’appeler l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Au moment où l’OND se détache du Ministère de l’Intérieur pour se placer à un niveau « supra-ministériel » et élargir son champ, ne serait–il pas paradoxal de créer un observatoire interne à la Chancellerie, qui risquerait de faire double emploi avec la nouvelle structure aux compétences beaucoup plus larges ?

L’oisiveté en détention

L’article 7 de l’avant-projet de loi précise que : « les détenus peuvent suivre les enseignements et actions de formation professionnelle organisés au sein des établissements sous réserve qu’ils soient compatibles avec leur situation pénale et les conditions de leur détention ».

Par ailleurs, « Au sein des établissements pénitentiaire, toutes dispositions sont prises pour assurer soit une activité professionnelle, soit une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande ».

Enfin, « l’administration pénitentiaire met en œuvre […] les moyens nécessaires pour favoriser l’accès aux activités culturelles, sportives et de loisirs des détenus ». D’une certaine façon, on fera ce que l’on peut. Nous sommes loin de ce que nous attendions sur le sujet.

Sous le titre Régime pénitentiaire, la règle européenne 25 comprend les points suivants :

1. « Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré.

2. Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour, hors de leur cellule, autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux.

3. Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus. » [Souligné par nous]. Dans cette perspective, nous proposions la chose suivante (7) : chaque personne détenue devrait pouvoir bénéficier d’une, au moins, des solutions suivantes : a. un emploi, b. une formation générale et/ou professionnelle, c. des activités culturelles et/ou de formation à la citoyenneté. Pour chacune de ces activités, les personnes détenues (prévenues ou condamnées) devraient recevoir une rémunération et/ou un revenu minimum de préparation à la sortie (RMPS), naturellement calculé en fonction des ressources dont elles disposent. Cette proposition avait été rendue publique dans une tribune que nous avions cosignée, dans Le Monde, avec Mme Christine Boutin, alors députée des Yvelines (UMP) et aujourd’hui Ministre du gouvernement Fillon (8). Ce revenu pour tous ne serait-il pas nécessaire afin de réduire certaines contradictions qui pourraient découler de l’application de la règle 105.4 ? Cette règle précise que « lorsque des détenus condamnés participent à des programmes éducatifs ou autres pendant les heures de travail, dans le cadre de leur régime planifié, ils doivent être rémunérés comme s’ils travaillaient ». Mais ce dernier point, essentiel, n’est pas abordé dans l’avant-projet de loi ?

En revanche, on trouve cette proposition minimaliste : « tout détenu dont les ressources sont inférieures au montant fixé » par voie règlementaire reçoit de l’établissement pénitentiaire une aide en nature pour améliorer ses conditions matérielles de vie ».

Participation des personnes détenues à l’organisation de la détention

L’article 23 de l’avant-projet précise que « Les détenus sont régulièrement consultés sur leurs conditions de détention selon des modalités définies par le règlement intérieur de l’établissement ». C’est la traduction « française » de la règle européenne 50. Dans une des premières étapes de la réécriture des règles pénitentiaires européennes (RPE), on a pu lire ceci : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à se réunir pour débattre de questions d’intérêt commun. Les autorités pénitentiaires doivent encourager les comités représentant les détenus à communiquer avec elles concernant les modalités de l’emprisonnement ».

Une telle rédaction, proposée par le Conseil de coopération pénologique du Conseil de l’Europe avait dû effrayer, par son audace, plus d’un gouvernement (dont le notre). La version définitive de la règle 50 fut plus soft. Sous le titre Bon ordre. Approche générale, on trouve cette recommandation : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ». La version de l’avant-projet de loi pénitentiaire est encore plus timide.

L’article 22 précise que « des règlements intérieurs-types déterminent le régime propre à chacune des catégories d’établissement pénitentiaire ». Cela signifie-t-il que les modalités de consultation des détenus seront définies, au niveau national, pour les maisons d’arrêt d’une part et pour les établissements pour peine d’autre part ? Cette définition sera-t-elle de la seule compétence de l’administration pénitentiaire ? Il est vraiment regrettable que l’avant-projet n’aille pas plus loin dans la définition de ces modalités et ne s’inspire pas de législations d’autres pays européens (Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Pays-Bas, Suède, Espagne) (9).

Dans son article 7, l’avant-projet parle d’exercice de la citoyenneté à propos de l’enseignement et des actions de formation professionnelle organisés en prison. Mais l’exercice de la citoyenneté n’exige-t-il pas de mettre en place des processus de délégations légaux, meilleur moyen de lutter contre le caïdat ?

Cette question nous amène à revenir sur la RPE 102.1 qui ouvre le chapitre VIII. Objectif du régime des détenus condamnés ». Pour nous, cette règle contient, en très peu de mots, le fondement du « sens de la peine » vu par le Conseil de l’Europe : « Au delà des règles applicables à l’ensemble des détenus, le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime ». Le mot « crime » est évidemment à prendre dans le sens de « délit ou de crime ».

En l’absence de précision, cette « vie responsable et exempte d’infraction pénale » n’est pas renvoyée à l’après prison. Elle commence ici et maintenant pour évidemment se poursuivre au delà de la libération. Cette approche novatrice du sens de la peine, où il n’est pas question d’insertion ou de réinsertion n’est pas reprise par l’avant-projet. Plutôt que parler de responsabilité, on préfère se référer aux termes « traditionnel » et peu opératoires de « réinsertion », de « prévention de la récidive », et de « sécurité publique » (Article 2.).

Dans cet esprit de responsabilisation des personnes détenues, de formation à la citoyenneté, et donc de préparation à la sortie, par ailleurs attendue, est-il utopique de penser que le conseil d’évaluation créé auprès de chaque établissement pénitentiaire pourrait comprendre des représentants élus de la population détenue ? C’est un des points qui permettraient de parler de « grande » loi pénitentiaire, de loi « fondatrice » et de sortir des discours purement incantatoires.

Le refus du numerus clausus

Dans l’article 3, il est affirmé que « le service public pénitentiaire respecte les droits fondamentaux des personnes détenues ». Comment peut-on respecter un tel principe quand on impose aux personnes détenues un état de surpopulation endémique ? Cette question du surpeuplement des prisons ne doit d’ailleurs pas être confondue avec celle de l’encellulement individuel que nous aborderons dans un second temps. On peut évidemment imaginer un parc pénitentiaire dans lequel aucun établissement – ou quartier de détention - n’est surpeuplé (densité carcérale inférieure ou égal à 100) mais qui ne respecte pas partout l’encellule individuel pour les détenus qui le souhaitent. A l’inverse, le respect de l’encellulement individuel est incompatible avec un état de surpeuplement.

Au 1er juin 2008, la population sous écrou (France entière) s’élève à 67 611 personnes : 17 586 prévenus détenus, 46 252 condamnés détenus, 3 773 condamnés placés sous surveillance électronique, 506 condamnés en placement à l’extérieur, sans hébergement pénitentiaire.

Le nombre de personnes détenues est ainsi de 63 838 (10). Quant au nombre de détenus en surnombre, il est de 14 237. Rappelons que ce nombre, que l’administration pénitentiaire se refuse à calculer, s’obtient en faisant la différence entre le nombre de personnes détenues et le nombre de places opérationnelles dans les seuls établissements où la densité carcérale est supérieure à 100 détenus pour 100 places (11). Cet effectif de détenus en surnombre n’a d’ailleurs cessé d’augmenter depuis janvier 2007 (Tableau 1.)

(...)

Dans sa première déclaration publique (le quotidien Libération du 16 juin 2008), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, souligne que « La surpopulation a des effets ravageurs : la promiscuité, les matelas sur le sol, mais aussi la pénurie de travail. De plus en plus de détenus se partagent un nombre toujours restreint d’emplois. Même chose pour l’accès aux activités et aux parloirs familiaux qui sont surchargés ».

L’avant-projet de loi ne se donne pas les moyens de résoudre cette question urgente. La mise en place d’un numerus clausus dans tous les établissements est pourtant un impératif catégorique. Rappelons ce que nous avons proposé : « Pour ce qui est de l’exécution des courtes peines en milieu fermé (un an ou moins), il ne devrait pas être possible de les mettre à exécution dans un établissement dont la densité carcérale est supérieure à 100 détenus pour 100 places.

Dans ce cas, trois solutions pourraient être envisagé :

a. mettre à exécution mais libérer le condamné détenu dans l’établissement dont le reliquat de peine est le plus faible (avec ou sans aménagement),

b. surseoir à la mise à exécution,

c. en cas de détention provisoire antérieure aménager la peine restant à subir en milieu ouvert ».

Bien évidemment ce numerus clausus devrait, par ailleurs, être rigoureusement respecté dans tous les établissements pour peine. Ce qui n’est pas le cas, au 1er juin 2008, malgré les déclarations des uns et des autres (CSL de Lyon, Melun, Corbeil, Gagny, quartiers « centres de détention » et « maisons centrales » d’outre-mer).

Le renoncement à l’encellulement individuel

« Tout détenu à droit à des conditions de vie acceptables, et cela passe par la cellule individuelle » Jean-Marie Delarue (Libération du 16 juin 2008).

Renonçant au principe du numerus clausus, la Garde des Sceaux renonce évidemment à appliquer la loi du 12 juin 2003 concernant l’encellulement individuel des prévenus qui devait entrer en application le 13 juin 2008. Mais elle refuse plus largement à appliquer l’un des points fondamentaux des règles pénitentiaires européennes : la possibilité de l’encellulement individuel pour toutes les personnes détenues.

En ce qui concerne les locaux de détention, les RPE apportent les précisions suivantes : « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit » (Article 18 alinéas 4 à 7 des RPE).

Dans l’article 17 de l’avant-projet, il n’est en rien question de l’encellulement individuel des condamnés.

« Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l’emprisonnement de jour et de nuit, soit en cellule individuelle, soit en cellule collective, sous réserve que celle-ci soit adaptée au nombre de détenus qui y sont hébergés et que les détenus soient reconnus aptes à cohabiter.

Les personnes mises en examen, prévenus et accusés qui en font la demande sont placées en cellule individuelle sauf dans les cas suivants :

1. si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls ;

2. s’ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent […].

Dans la limite de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi, il peut être dérogé aux dispositions des quatre premiers alinéas de l’article 716 du code de procédure pénale si la distribution intérieure des maisons d’arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas leur application. »

Le respect des règles pénitentiaires européennes est-il ainsi renvoyé en 2013, c’est-à-dire à la prochaine législature ?

Rappelons qu’en attendant la loi pénitentiaire, un décret du 10 juin 2008 précise les conditions d’encellulement des prévenus. S’il le souhaite, un prévenu a la possibilité de déposer auprès du chef d’établissement une requête pour être transféré, afin d’être placé en cellule individuelle, dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un tel placement, à la condition que ce transfèrement obtienne l’accord du magistrat saisi du dossier de l’information.

Le chef d’établissement a au plus deux mois pour faire des propositions d’affectation au détenu. Cela ne sera pas de trop quand on connaît la situation des maisons d‘arrêt : entre temps nombre de prévenus auront été libérés ou condamnés !

En effet, au 1er juin 2008, 13 maisons d’arrêt ou quartiers « maisons d’arrêt » seulement ont encore des places disponibles, soit 189 places au total.

Ajoutons qu’il ne s’agit pas nécessairement de cellules individuelles :

Direction interrégionale de Bordeaux : Angoulême (15 places), Mont de Marsan (8) et Pau (47). DIR Dijon : Charleville-Mézières (10) et Lure (11).

DIR Lille : Dunkerque (6).

DIR Lyon : Aurillac (24).

DIR Marseille : Ajaccio (4), Gap (2).

DI Paris : aucune place.

DIR Rennes : Caen (12), Renne (17).

DIR Strasbourg : Epinal (32).

DIR Toulouse : Cahors (1) ;

« sans parler de l’outre-mer où l’état de surpopulation carcérale est encore pire qu’en métropole. »

Lutter contre l’inflation carcérale par les alternatives à la détention

L’évolution actuelle de la population sous écrou se caractérise par un accroissement absolu annuel de + 4 000 (+ 6,3 %). L’extrapolation d’une telle évolution donnerait une population sous écrou de 83 600 au 1er juin 2012.

Du 1er juin 2002 au 1er juin 2007, l’augmentation avait été de 8 650 - en 5 ans -, soit, en moyenne de 1 730 par an. Ainsi se rend-on compte à quel point l’inflation de la population sous écrou s’est accélérée depuis un an (Tableau 2) (12).

Parallèlement, la croissance du nombre de personnes détenues a été moins rapide du fait de l’augmentation des aménagements de peines en milieu ouvert, 24h sur 24. Le nombre de condamnés écroués bénéficiant d’un placement extérieur sans hébergement pénitentiaire (PEx SH) est ainsi passé de 305 au 1er juin 2004 à 506 au 1er juin 2008, et les condamnés placés sous surveillance électronique fixe (PSE) de 698 à 3 267 (Tableau 3). Ainsi le taux d’aménagement de ce type calculé par rapport à l’ensemble des condamnés écroués est passé, en 4 ans, de 2,4 % à 7,5 %.

Malgré cela, l’évolution du nombre de détenus reste nettement inflationniste. Ce nombre est sur une pente de + 3 000 par an (+ 4,9 %). L’extrapolation d’une telle évolution donnerait une population de personnes détenues de 75 800 au 1er juin 2012.

Du 1er juin 2002 au 1er juin 2007, l’augmentation avait été de 6 300 - en 5 ans -, soit, en moyenne de 1 260 par an. Ainsi le développement des aménagements n’a pu empêcher l’accélération de l’inflation du nombre de détenus. (Tableau 4). En sera–t’il autrement dans l’avenir ?

Sur les 36 pages de l’avant-projet de loi pénitentiaire, plus de 14 pages sont consacrées au chapitre 5. « Dispositions favorisant le recours aux alternatives à la détention provisoire (section 1.) et aux aménagements des peines privatives de liberté (section 2.).

Alternative à la détention provisoire

L’article 25 introduit la possibilité pour une personne mise en examen d’être astreinte à l’assignation à résidence avec surveillance électronique (fixe ou mobile selon les cas), en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, et ce, dans le cas où le contrôle judiciaire est insuffisant. Pour cela, la personne doit encourir une peine correctionnelle de deux ans ou plus ou une peine plus grave. La durée maximale de l’assignation est de six mois, mais elle peut être prolongée et aller jusqu’à 2 ans. L’assignation est assimilée à la détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté.

Ne serait-il pas nécessaire de réaliser une étude d’impact d’une telle mesure nouvelle avant de l’introduire dans notre droit afin de savoir précisément à quelle population elle pourrait s’adresser, population qui, aujourd’hui, serait mise en détention provisoire et pourrait ainsi ne pas l’être ?

Cette mesure n’est-elle pas proche du contrôle judiciaire avec placement sous surveillance électronique fixe introduit par le décret d’application du 17 mars 2004, relatif à la loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice (PSE sans écrou) ?

Or ce type de placement est très rare (Tableau 5.) Sait-on pourquoi ? On connaît le risque d’effet pervers ce genre de mesure se voulant alternative à la détention sans être vraiment pensée (risque de net widening) : « mordre », non pas sur la détention provisoire, mais sur une mesure moins contraignante, par exemple le contrôle judiciaire sans PSE !

Par ailleurs, le nombre de détenus prévenus a nettement diminué depuis quelques années (Tableau 6.). C’est d’ailleurs l’un des rares points positifs de la période, même si cette évolution a pu s’accompagner du développement des procédures de comparutions immédiates, grandes pourvoyeuses de peines d’emprisonnement ferme

Aussi, même si l’assignation à résidence avec surveillance électronique peut avoir des qualités intrinsèques, nous ne pensons pas que l’introduction d’une telle mesure ait un effet significatif sur l’inflation carcérale, sachant que celle-ci est essentiellement liée, depuis le début des années 2000, à l’augmentation du nombre de condamnés à de courtes peines (Tableau 7.).

Aménagements des peines privatives de liberté

On trouve dans l’avant-projet une réelle volonté de développer l’aménagement des peines.

* Dispositions modifiant le code pénal

Article 26 de l’avant-projet. Il complète l’article 132-24 du code pénal en affirmant, en particulier, que « la peine d’emprisonnement doit [et non peut] dans la mesure du possible, lorsque les condition légales le permettent, faire l’objet d’un placement sous surveillance électronique ou d’une des autres mesures d’aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 » du code pénal, c’est-à-dire la semi-liberté, le placement à l’extérieur ou le fractionnement de peine.

Article 27 de l’avant-projet. L’article 132.25 qui permettait de faire bénéficier à une personne condamnée à un an et moins d’un régime de semi-liberté ou d’un placement à l’extérieur, est étendu aux peines de deux ans ou moins, ainsi qu’aux peines mixtes lorsque la peine ferme est inférieure ou égales à deux ans. Par ailleurs, on ajoute un nouveau cas à la liste des critères d’octroi (exercice d’une activité professionnelle, participation à un enseignement, à une formation professionnelle, à un stage, participation essentielle à la vie de la famille, prescription d’un traitement médical) : « Justifier de tout autre projet sérieux d’insertion ou de réinsertion ».

Dans les mêmes conditions, la juridiction pourra décider d’un placement sous surveillance électronique.

Dans un article récent, nous écrivions la chose suivante : « si l’on souhaite que la croissance du nombre de placés sous surveillance électronique, s’accompagne d’une baisse du nombre de détenus – et donc de la surpopulation des prisons - il faudra examiner ce problème de près : si l’exercice d’une activité professionnelle reste la condition sine qua non du placement sous PSE, le risque est grand de voir le PSE non se substituer à la détention, mais plutôt à une mesure de liberté contrôlée (sursis avec mise à l’épreuve) ou à l’absence de toute entrave (sursis simple, par exemple) » (13). Cet élargissement des critères d’octroi est de bon augure.

* Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Cette volonté d’assurer le développement des aménagements de peine se manifeste aussi dans l’article 30 de l’avant projet, qui propose d’ajouter cet alinéa à l’article 707 du code de procédure pénale : « les peines doivent, conformément à la loi, être aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d’exécution si la personnalité et la situation du condamné ou son évolution le permettent, et notamment si le condamné justifie de garanties ou d’un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion. »

Par ailleurs, l’avant-projet de loi introduit des procédures simplifiées d’aménagement des peines applicables aux condamnés libres, mais aussi aux condamnés incarcérés dont les modalités seront précisées par décret. Elles peuvent concerner la semi-liberté, le placement à l’extérieur, le placement sous surveillance électronique et la libération conditionnelle.

A ce propos, remarquons – pour le déplorer – qu’aucune mesure spécifique permettant une véritable refondation de la libération conditionnelle n’a été introduite dans l’avant-projet.

La relance de la libération conditionnelle oubliée

En m’inspirant de la recommandation du Conseil de l’Europe, adoptée en 2003, sur la libération conditionnelle, dont je fus l’un des rédacteurs avec Hilde Tubex (Belgique) et Norman Bishop (Suède) (14), j’avais fait, en 2007, un certain nombre de propositions.

- Il faut refonder une libération conditionnelle, appliquée au plus grand nombre, dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Aussi devrait-elle être au coeur des procédures d’aménage-ment des peines. Après les lois Perben 2 (loi du 9 mars 2004) et Clément 1er (loi du 12 décembre 2005) qui ont accompagné, sinon favorisé, la baisse de la libération conditionnelle, il faut tout revoir sur le sujet.

- Toute peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention criminelle, à temps, devrait être exécutée dans sa totalité (période sous écrou incompressible) mais pour partie en milieu fermé et pour partie en milieu ouvert.

Aussi la période sous écrou définie au moment du procès, ne pourrait-elle, en aucune manière, être réduite ou prolongée pour l’affaire concernée. Dans l’état actuel du droit, en cas de libération conditionnelle, le temps correspondant au reliquat de la peine à exécuter en milieu ouvert peut effectivement être prolongé.

Dans le système préconisé, cela ne serait plus possible. Une telle orientation nécessiterait de renoncer définitivement aux grâces collectives. Il en est de même des amnisties qui ne peuvent se justifier qu’à la suite d’événements de première importante dans la vie du pays dans un but de réconciliation nationale. Ce principe implique aussi l’abolition du système des crédits de réduction de peine introduit dans la Loi Perben 2, comme des réductions de peine supplémentaires (15).

- Les procédures d’aménagement des peines devraient dépendre de la longueur de la peine prononcée, comme c’est déjà en partie le cas. On distinguerait, selon le quantum de la peine ferme prononcée, les « courtes peines » (un an ferme ou moins), les peines intermédiaires (plus d’un an à 5 ans), les longues peines (plus de 5 ans à 10 ans) et les très longues peines (plus 10 ans à 30 ans). En cas de peines multiples, c’est évidemment la somme des quantum prononcés qui serait à prendre en compte.

- La Libération conditionnelle devrait être la mesure centrale d’aménagement des peines de plus d’un an. Elle devrait concerner l’immense majorité de ces condamnés. Les autres mesures d’aménagement s’inscriraient dans cette perspective : permissions de sortir, placement à l’extérieur, semi-liberté, placement sous surveillance électronique fixe, voire placement sous surveillance électronique mobile, pour les peines les plus lourdes.

- Les conditions d’octroi de toutes ces mesures d’aménagement devraient être entièrement unifiées pour permettre au juge de l’application des peines ou au tribunal de l’application des peines de passer facilement de l’une à l’autre selon les besoins.

- Dans le système français actuel de libération conditionnelle, il y a levée d’écrou au moment de l’octroi. Nous proposons que le libéré conditionnel reste désormais placé sous écrou, avec transfèrement dans l’établissement le plus proche de son domicile ou de son lieu d’hébergement.

Sa situation serait ainsi comparable, sur ce point, à celle d’un condamné placé sous surveillance électronique fixe. Cette disposition aurait l’intérêt de rappeler à chacun que la mesure de libération conditionnelle n’est pas une fin de peine mais une modification des conditions de l’exécution d‘une peine d’emprisonnement, de détention ou de réclusion criminelle, avec tout ce que cela peut comporter de contraintes, d’interdictions, d’obligations et de contrôles.

- Pour les condamnés à des peines intermédiaires (plus d’un an à 5 ans), nous proposons un système de libération conditionnelle d’office à ½ peine pour les non récidivistes, comme pour les récidivistes, les mesures d’aide et de contrôle étant définies par le juge de l’application des peines (JAP). Des mesures de sortie anticipée partielle et/ou temporaire pourraient être octroyées avant la ½ peine par le JAP (par exemple des permissions de sortir).

- Les condamnés aux longues peines (plus de 5 ans à 10 ans), récidivistes ou non pourraient bénéficier d’une libération conditionnelle à ½ peine, la décision étant prise par le JAP (système discrétionnaire). En fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office, comme pour les peines intermédiaires.

- De même, les condamnés aux très longues peines, à temps (plus 10 ans à 30 ans) à temps pourraient bénéficier d’une libération conditionnelle à ½ peine pour les non récidivistes, comme pour les récidivistes. La décision serait prise par le tribunal de l’application des peines (système discrétionnaire).

Là encore, en fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office, comme pour les peines intermédiaires. Quand nous parlons de progrès, nous pensons aussi bien aux modalités de prise en charge au sein de la détention qu’en milieu ouvert.

Sur ce terrain, tout est donc à faire…(16).

Pour 2013 ?

Citons ici, pour mémoire, quelques unes des règles pénitentiaires européennes, essentielles, que la surpopulation des prisons rend inapplicables.

Règle 5 - La vie en prison est alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la prison.

Règle 6 - Chaque détention est gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté.

Règle 8 - Le personnel pénitentiaire exécute une importante mission de service public et son recrutement, sa formation et ses conditions de travail doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.

Règle 18. 5 - Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus.

Règle 18. 6 - Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter.

Règle 18.7 - Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit.

Règle 19.3 - Les détenus doivent jouir d’un accès facile à des installations sanitaire hygiéniques et protégeant leur intimité.

Règle 24.4 - Les modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible.

Règle 24.8 - Tout détenu doit avoir le droit d’informer immédiatement sa famille de sa détention ou de son transfèrement dans un autre établissement, ainsi que de toute maladie ou blessure grave dont il souffre.

Règle 24.12 - Les détenus doivent être autorisés à communiquer avec les médias, à moins que des raisons impératives ne s’y opposent au nom de la sécurité et de la sûreté, de l’intérêt public ou de la protection des victimes, des autres détenus et du personnel.

Règle 25. 1 - Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré.

Règle 25. 2 - Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux.

Règle 25. 3 - Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus.

Règle 105. 4 - lorsque des détenus condamnés participent à des programmes éducatifs ou autres pendant les heures de travail, dans le cadre de leur régime planifié, ils doivent être rémunérés comme s’ils travaillaient.

Règle 106.1 - Un programme éducatif systématique, comprenant l’entretien des acquis et visant à améliorer le niveau global d’instruction des détenus, ainsi que leurs capacités à mener ensuite une vie responsable et exempte de crime doit constituer une partie essentielle du régime des détenus condamnés.

Etc.

Pour mémoire / Faut-il construite ?

Pour moi, la question n’est pas de savoir s’il faut « construire », sans plus de précisions, mais s’il faut augmenter le parc pénitentiaire dans son ensemble, augmenter le nombre de places disponibles.

Ne m’inscrivant pas dans une démarche abolitionniste de la prison, je pense que certains établissements sont dans un état de vétusté tel qu’ils doivent être rénovés, ou reconstruits, ou bien mis hors d’usage et remplacés par d’autres, mieux adaptés aux besoins de la justice pénale et mieux situés en fonction de leur utilité.

En revanche, je pense disposer d’un certain nombre d’arguments pour considérer qu’un nombre de 50 000 places devrait suffire à un Etat moderne dont la population s’élève aujourd’hui à 63 000 000 d’habitants, ce qui donne un taux de 80 places de prison pour 100 000 habitants.

Soyons plus précis : comme la population de la France augmente d’environ 380 000 habitants par an, le maintien de ce taux de places par habitant, dans le futur, nécessiterait l’augmentation du parc pénitentiaire de l’ordre de 300 places de plus chaque année (dans les premières années), soit 1 500 sur une législature.

Pour un programme « 14 000 » places à mettre hors d’usage

Se limiter à un objectif de 50 000 places alors que l’administration pénitentiaire affiche aujourd’hui un nombre de 50 807 places opérationnelles (1er juin 2008) n’a pas grand chose à voir avec un quelconque statut quo.

En effet, une part des places actuelles ne répond pas aux exigences des règles pénitentiaires européennes. Je n’oublie pas que la loi du 9 septembre 2002 dite « d’orientation et de programmation pour la justice » (LOPJ) a prévu la construction de 13 200 places de prison.

Les travaux de construction de certains établissements ont commencé en 2005. Il n’est évidemment pas question d’arrêter ces chantiers ! 50 000 – 13 200 = 36 800 : sur cette base, c’est 50 800 – 36 800 = 14 000 places du parc actuel, choisies parmi les plus vétustes, que l’on pourrait considérer, à terme, comme hors d’usage, après destruction ou rénovation de certains établissements.

50 000 places aux normes européennes pour 50 000 détenus ? Pour ramener la population écrouée et détenue à 50 000, la piste la plus réaliste, toutes choses égales par ailleurs, concerne l’aménagement des courtes peines en milieu ouvert (un an et moins d’emprisonnement ferme).

Un état des lieux, établissement par établissement, a été réalisé au 1er janvier 2006, à notre initiative (17). Sur un total de 59 522 personnes écrouées (France entière), il y avait alors, 12 172 condamnés purgeant des courtes peines (un an et moins) : 1 178 étaient aménagées en milieu ouvert dans le cadre d’un placement sous surveillance électronique ou d’un placement à l’extérieur (environ 10 %), 10 994 n’étaient pas aménagées ou partiellement aménagées (semi-liberté ou placement à l’extérieur avec hébergement pénitentiaire).

En observant la situation de chaque établissement – ou quartier de détention -, concernant le surpeuplement, ainsi que la structure pénale de la population sous écrou, on a pu montrer qu’il y avait, à cette date 9 169 détenus en surnombre et que l’aménagement des courtes peines en milieu ouvert pourraient faire passer l’effectif de détenus en surnombre de 9 169 à 2 673. C’est donc 70 % du problème de la surpopulation carcérale qui serait résolu.

*** NOTES ***

(1) Tournier, 2008a.

(2) Conseil de l’Europe, 2006.

(3) Jean-Marie Delarue, conseiller d’Etat.

(4) La dernière réunion s’est tenue le 8 juillet 1999 sous la présidence d‘Elisabeth Guigou

(5) Tournier, 2008b.

(6) Bauer et all., 2008a, 2008b.

(7) Tournier, 2008a, p. 81.

(8) Boutin, Tournier, 2005.

(9) Bishop, 2006.

(10) On compte parmi elles 1 878 condamnés en semi-liberté et 339 condamnés en placement à l’extérieur avec hébergement pénitentiaire.

(11) Et ce pour éviter les compensations arithmétiques entre établissements surpeuplés et établissements ayant des places libres. Si l’on considère deux établissements de 100 places, l’un avec 120 détenus, l’autre avec 80 détenus, on compte, globalement, 200 places pour 200 détenus. Il y a pourtant des personnes qui subissent la surpopulation. Le « nombre de détenus en surnombre » est de 20.

(12) Ces évolutions sont cohérentes, en ordre de grandeur, avec les mesures d’impact que nous avions réalisées en 2007 concernant la loi du 10 août 2007 sur les peines planchers et l’abandon des grâces collectives du 14 juillet : Tournier 2008a, chapitre 3., p. 31 et suivantes.

(13) Tournier, 2008c.

(14) Conseil de l’Europe, 2003, Tournier, 2004.

(15) Voir, sur cette question, les travaux de l’association que nous avions fondée en juillet 1997, pour relancer le débat sur la juridictionnalisation de la libération conditionnelle « Recherches, confrontations et projets sur les mesures et sanctions pénales » (RCP) et ses « 10 propositions » : Tournier, 2006a. Voir aussi les travaux du groupe « Mesures et sanctions pénales » de l’Association française de criminologie » et ses « 55 propositions » (30 juin 2001) : Tournier 2006b.

(16) Nous parlions supra des peines à temps. Quant à la question de la peine de réclusion à perpétuité, sa raison d’être devrait faire l’objet d’un examen approfondi que seul le Conseil de l’Europe semble pouvoir mener à bien. La recommandation du Conseil de l’Europe du 24 septembre 2003 sur la libération conditionnelle, rappelle que 5 pays sur les 46 membres du Conseil de l’Europe n’ont pas de peine perpétuelle. Il s’agit de la Croatie, de l’Espagne, de la Norvège, du Portugal et de la Slovénie. En Croatie et en Espagne la peine maximale encourue est de 40 ans. Elle est de 30 ans au Portugal ou en Slovénie… et de 21 ans en Norvège.

(17) Kensey, Tournier, 2006.

*** Références bibliographiques citées ***

Bauer Alain et all., 2008a, « Déceler, étudier, former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique. Rapprocher et mobiliser les institutions publiques chargées de penser la sécurité ». Rapport au Président de la République et au Premier ministre, remis le 20 mars 2008, Cahiers de la Sécurité, supplément au n°4, avril-juin 2008, 165 pages.

---, 2008b, « Déceler, étudier, former : une voie nouvelle pour la recherche stratégique. Rapport au Président de la République et au Premier ministre, Note de synthèse, mars 2008, 4 pages.

Bishop Norman, 2006, La participation des personnes détenues à l’organisation de la vie en détention, revue électronique Champ pénal / Penal Field..

Boutin Christine, Tournier Pierre V., 2005, La Lutte contre la récidive se prépare déjà en prison, Le Monde, 16-17 octobre 2005, rubrique « Horizon Débats » p. 15.

Conseil de l’Europe, 2003, La libération conditionnelle, Recommandation REC (2003) 22, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le 24 septembre 2003 et exposé des motifs.

Conseil de l’Europe, 2006, Les règles pénitentiaires européennes, recommandation Rec (2006) 2, adoptée par le Comité des Ministres le 11 janvier 2006.

Kensey Annie, Tournier Pierre V 2006, Surpeuplement carcéral et aménagement des courtes peines, au 1er janvier 2006. Méthodologie, direction de l’administration pénitentiaire, Concepts et Méthodes, n°24, mars 2006, 60 pages. Diffusion restreinte.

Tournier Pierre V., 2004, La recommandation rec (2003) 22 du 24 septembre 2003. Plaidoyer pour la libération conditionnelle. Conférence ad hoc des directeurs d’administration pénitentiaire (CDAP) et de service de probation, Rome, 25-27 novembre 2004, Conseil de l’Europe, CDAP (2004) 1, 11 pages.

— -, 2006a, Archives de l’association « Recherches, Confrontations et Projets sur les mesures et sanctions pénales (RCP), 1997-2000 », descriptif, Document de travail, Université Paris 1., CHS XX siècle, 2006, 37 pages.

— - 2006b, Archives de l’Association française de criminologie (AFC), 1965-2004 » Document de travail, Université Paris 1., CHS XX siècle, 2006, 18 pages.

— -, 2007, Libération conditionnelle : chronique d’une mort annoncée ? Revue pénitentiaire et de droit pénal, Editions Cujas, avril- juin 2007, n°2, 301-310.

— -, 2008a, Loi pénitentiaire. Contexte et enjeux, Editions l’Harmattan, coll. Sciences criminelles – Controverses, janvier 2008, 114 pages.

— -, 2008b, Vers un Observatoire national des mesures et sanctions pénales (ONMSP) ? Note à l’attention de la mission « Warsmann » d’information sur l’exécution des décisions de Justice de l’Assemblée nationale, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, 2007, 5 pages, Champ pénal / Penal Field, Nouvelle revue française de criminologie, New French Journal of Criminologie, rubrique « vie de la recherche »,

http://champpenal.revues.org/document3373.html

— -, 2008c, « Décisions de placement sous surveillance électronique fixe », Arpenter le champ pénal, n°84, 7 avril 2008, 4 pages.

*** Autres références ***

Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), 2007a, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, I. Les droits de l’homme dans la prison, La documentation française, 2007, 199 pages.

— -, Sanctionner dans le respect des droits de l’homme, II. Les alternatives à la détention, Etude réalisée par Sarah Dindo. La documentation française, 2007, 222 pages.

Conseil de l’Europe, Règles pénitentiaires européennes, recommandation R (87) 3, et exposé des motifs, adoptée par le Comité des Ministres le 12 février 1987, Coll. .Références juridiques, 1994, 98 pages.

— -, Règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, recommandation R (92) 16, et exposé des motifs, adoptée par le Comité des Ministres le 19 octobre 1992, Coll., Références juridiques, 1994, 74 pages.

— -, Le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, recommandation N°R (99) 22, adoptée par le Comité des Ministres le 30 septembre 1999 et rapport élaboré avec l’assistance de Kuhn André, Tournier Pierre V. et Walmsley Roy, coll. Références juridiques, 2000, 212 pages .

— -, L’amélioration de la mise en œuvre des règles européennes sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, Recommandation Rec (2000) 22 adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 29 novembre 2000 et rapport, Coll. Références juridiques, 98 pages.

— -, La gestion par les administrations pénitentiaires des condamnés à perpétuité et des autres détenus de longue peine, Recommandation REC(2003) 23, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 9 octobre 2003 et exposé des motifs.

Lebranchu Marylise et all., Peine et service public pénitentiaire, proposition de loi n°970, Assemblée nationale, documents législatifs, 25 juin 2003, 98 pages.

Ministère de la Justice, Les règles pénitentiaires européennes, 2006, Collection Travaux et Documents hors série de la Direction de l’administration pénitentiaire, août 2006, 103 pages.

— -, Les règles pénitentiaires européennes. Une charte d’action pour l’AP, Direction de l’administration pénitentiaire, avril 2007, 13 pages.

ACP N°95 - ARPENTER le champ pénal.

Lettre d’information sur les questions pénales et criminologiques.

Paris, le 23 juin 2008 - Directeur de la publication : Pierre V. Tournier

1er juillet 2008. « Surpopulation des prisons. Une honte pour l’Europe ? »

Paris. Mardi 1er juillet 2008. 11h. Le club Des Maintenant en Europe et la fondation progressiste Terra Nova organisent une réunion de presse (ouverte à tous) au siège de Terra Nova, 266, Boulevard Saint-Germain dans le 7ème, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne. En présence d’Olivier Ferrand, président de Terra Nova et de Pierre V. Tournier, animateur de DES Maintenant en Europe et membre du cabinet d’experts de Terra Nova.

Une analyse critique de l’avant projet Dati de loi pénitentiaire y sera présentée.

Au sommaire de ce numéro :

Les comptes du lundi. « L’arpenteur de l’invisible » ;

Population sous écrou (France entière) : les indicateurs d’« ACP » au 1er juin 2008 ;

Le kiosque ;

Le site de Philippe Zoummeroff , dédié à la connaissance du système pénal ;

Quand la haute magistrature semble ignorer les missions des conseillers d’insertion et de probation ;

La loi sur la surveillance et la rétention de sûreté est dans notre droit, comment la travailler ?

La prison d’aujourd’hui permet-elle l’accès aux soins ?

Ateliers d’automne (4ème saison) de DES Maintenant en Europe ;

Association Pénombre. Assemblée générale annuelle ;

Les comptes du lundi. « L’arpenteur de l’invisible »

Il y a quinze jours, on avait fait allusion aux exploits statistiques de M. Brice Hortefeux. Le ministre de l’Immigration de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire avait affirmé sur RTL que, pour la première fois depuis une génération, le nombre des clandestins avait diminué en France. Il évaluait cette baisse à 6 % sur les douze derniers mois. Selon lui, ils seraient actuellement entre 200 000 et 400 000 sur le territoire.

Nouvel épisode. Le 20 juin, Le Monde titre « Selon Brice Hortefeux, le nombre de clandestins a baissé de 8 % en un an ». Dans l’article, il est même question d’une baisse de « près de 8 % ». Dommage que nous n’ayons pas eu droit à quelques chiffres après la virgule. Et le journaliste de nous expliquer (sans rire ?) la méthode de calcul du ministre. Vous prenez quatre ingrédients (on dit aussi « indicateurs »).

* la baisse du nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’Etat de septembre 2006 à mars 2008, soit - 6,2 % [on croit comprendre que le 1er mars 2008, il y en avait 6,2 % de moins qu’au 1er septembre].

* l’augmentation du nombre de reconduites à la frontière, en un an, du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, soit + 31%, atteignant 29 729 [sans doute est-ce l’augmentation par rapport aux douze mois précédents].

* la baisse du nombre de personnes refoulées à l’entrée du territoire, sur la même période, - 3 %. 22 403 refoulées.

* la baisse du nombre de demandeurs d’asile déboutés entre 2006 (32 000) et 2007 (26 400), soit - 17,5 % [on change encore de période].

Vous touillez et vous trouvez que la population des clandestins dont évidemment vous continuez à ignorer le nombre a diminué de 6 % au cours des douze derniers mois, à moins que cela soit 8 %, voire même un peu moins.

PVT

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Directeur de la publication : Pierre V. Tournier, directeur de recherches au CNRS, Centre d’histoire sociale du XXe siècle (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne).


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